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« Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, pars, et annonce le Règne de Dieu. »

Dans une région comme la Corse où le culte des morts est très marqué, cette parole de Jésus peut surprendre. En réalité, Jésus ne vise pas les rites funéraires de son époque, ni ceux d’aujourd’hui, en tout cas par directement. Dans ce passage (cf. Lc 9,59.60), Jésus vient de dire à un homme : « Suis-moi. » Mais lui répond : « Seigneur, permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. » Et Jésus lui réplique : « Laisse les morts enterrer leurs morts. » Ces « morts » censés enterrer leurs morts, ce sont ceux qui n’ont pas été touchés par la Parole de Vie de Jésus, qui n’ont pas encore perçu la nouveauté du Royaume qu’il vient instaurer. Jésus fait comprendre à cet homme que devenir disciple, c’est quitter ce qui est marqué par la mort pour vivre une vie nouvelle et annoncer le Royaume de Celui qui est « venu pour que les hommes aient la vie » (Jn 10,10). 

Cette parole de Jésus nous concerne chacun personnellement, mais elle concerne également notre Église, et particulièrement notre diocèse ici en Corse. A moins de se voiler la face, il apparait clairement que la transmission de la foi est en crise. Même si la Corse a conservé de nombreux marqueurs d’identité chrétienne, plusieurs voyants sont au rouge : baisse du nombre d’enfants catéchisés, crise des vocations, etc. Dans ce contexte, l’Esprit Saint nous invite à faire du neuf. 

Nous ne sommes plus sous un régime de « chrétienté » où la plupart des Corses étaient catholiques pratiquants et où les prêtres avaient essentiellement pour rôle de distribuer les sacrements jalonnant la vie chrétienne. Aujourd’hui nettement moins nombreux, les prêtres, heureusement soutenus par des diacres, des religieux ou des laïcs, s’efforcent d’assurer une sorte de service minimum. On pourrait penser qu’avec la baisse de la pratique, leur charge est moins lourde. En réalité, si les forces vives ont fondu, les sollicitations de ceux qui ne s’approchent que ponctuellement de l’Église demeurent nombreuses, en particulier pour les obsèques ! Cette situation est éprouvante pour les acteurs pastoraux. Leurs efforts semblent vains ; malgré leur générosité, ils ne parviennent pas à enrayer la chute. 

Dans ce contexte, la parole de Jésus résonne comme un cri. Si nous ne changeons pas nos façons de faire, nous nous préparons à un enterrement de première classe ! Si nous ne cherchons qu’à répondre à des sollicitations cultuelles, nous ne faisons que tenir à bout de bras un système qui s’écroule. C’est maintenant qu’il faut « quitter ce qui ne peut que vieillir », comme dit une oraison de la messe, pendant qu’il est encore temps. Nous avons la chance d’avoir de jeunes adultes qui s’interrogent, sont en recherche, demandent un sacrement de l’initiation chrétienne. La priorité absolue est d’être disponible pour les accompagner sur leur itinéraire de foi. On entend dire parfois que les célébrations d’obsèques sont des lieux d’évangélisation, ce qui en soi n’est pas faux. Mais à quoi bon passer son temps à célébrer des obsèques si on ne parvient pas ensuite à accueillir, écouter, enseigner, accompagner et incorporer dans nos communautés paroissiales ceux qui veulent aller plus loin ? 

« Toi, pars, et annonce le Règne de Dieu » dit Jésus. Il ne s’agit pas d’abandonner la distribution des sacrements, mais de changer de priorité. La priorité est de faire de toute demande cultuelle un lieu d’annonce kérygmatique. La priorité est d’accompagner les personnes pour susciter une véritable rencontre avec le Christ. La priorité n’est pas « d’attendre que les frères en recherche frappent à notre porte », dit le pape François, « nous devrions aller vers eux, non pas en nous portant nous-mêmes, mais en portant Jésus ».

Olivier de Germay
Evêque d’Ajaccio

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