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L’accompagnement fraternel

Les chrétiens d’Ephèse étaient-ils à ce point pénibles et désagréables les uns pour les autres que Paul doive leur écrire « supportez-vous les uns les autres » (Ephésiens 4,2) ?  Certes il devait y avoir à Ephèse, comme dans nos paroisses, des membres plus ou moins aimables, des entêtés et des grincheux, et les griefs ne devaient pas manquer. Mais pour Paul, il ne suffit pas d’apprendre à « vivre ensemble » ; il faut que tous les hommes — et d’abord les membres de l’Eglise — réalisent, selon le dessein de Dieu, leur pleine unité dans le Christ. Il faut bien sûr d’abord « supporter » les différences, mais au-delà, « porter » l’autre, l’aider à grandir là où il éprouve des difficultés.

Une mutuelle sollicitude

Le soin des âmes, la cura animarum disait-on jadis, est la tâche qui spécifie la responsabilité du curé  envers ses paroissiens. Comme le berger prend soin de son troupeau, il redresse, conseille, et apporte soutien et renouvellement dans la foi à ses paroissiens. Cependant, cet aspect ministériel de la pastorale ne fait pas des chrétiens un troupeau ! Ils constituent en vérité une communauté organique où chacun est lié à l‘autre par une charité active. Chacun porte le désir du bien de l’ensemble, du Corps auquel il appartient, et cela suscite un accompagnement fraternel dans l’ordre de la pastorale, c’est-à-dire du progrès de chacun dans l’Esprit. Le prêtre est au service de la communauté, mais il est aussi soutenu par sa communauté. Il a besoin de l’apport du laïcat, non seulement pour l’organisation et l’administration de sa communauté, mais également dans les domaines de la foi et de la charité.  Les membres de l’Eglise ont le devoir de mettre en commun leurs dons spirituels au service des autres « pour la construction du corps du Christ » (Ephésiens 4,2). « Que les membres aient soin les uns des autres » dira ailleurs Saint Paul, et se manifestent une mutuelle sollicitude.

Regards sur le Nouveau Testament

Cette sollicitude ne se limite pas aux frontières de la communauté, comme le montrent à l’envi les mouvements des chrétiens auprès des pauvres, des exclus, des prisonniers de l’alcool ou des drogues, des enfants malades ou sans protection. Mais elle prend un relief particulier pour définir la communauté elle-même, comme sa marque spécifique. Les Actes des Apôtres, comme les lettres de Paul, fourmillent d’exemples concrets, qui sont pour nous autant d’appels, où la bienveillance de l’un se fait le soutien d’un autre.

Regardons d’abord l’exemple de Barnabé (Actes 11,23) : déjà remarqué pour sa générosité, il est envoyé par l’Église de Jérusalem pour voir ce qui se passe à Antioche. « Il se réjouit et les encouragea. » Il est celui qui fait confiance à ses frères et à Dieu, qui sait reconnaître dans le service rendu la grâce accordée par Dieu ; il s’en réjouit, non pas pour une autosatisfaction de la communauté mais pour un encouragement à continuer. Quelle stimulation pour la communauté !

Les membres de la communauté s’accompagnent et se soutiennent de diverses manières. Malgré ses réticences Ananie arrive chez Paul en l’appelant « mon frère » (Actes 9,10), fraternité qui ne vient pas d’une complicité antérieure mais de leur commune relation à Dieu. Nos visites aux malades ou aux nouveaux arrivants s’inscrivent-elles dans cette foi ? On aime également se donner et recevoir des nouvelles, non par curiosité mondaine, mais « pour se réconforter » (Colossiens 4,8). Mais le soutien prend aussi parfois la forme d’admonestations réciproques ; on est capable de « s’avertir mutuellement » (Romains 15,14), et si quelqu’un s’égare on doit le reprendre « comme un frère » (2 Thessaloniciens 3, 13-15), toujours dans l’Esprit et en douceur, pour son édification. Enfin le soutien fondamental est celui de la prière. « Epaphras ne cesse de lutter pour vous dans ses prières, afin que vous teniez ferme » écrit saint Paul (Colossiens 4,12) : voilà de quoi vivifier nos prières des fidèles ! Tout cela sans oublier l’aide pratique dont la communauté a besoin. Tabitha, que Pierre rend à la vie à Joppé, réalisait tuniques et manteaux pour la communauté, et cela parle pour elle auprès de Pierre ; aucun service n’est à négliger. Le paralytique aurait-il rencontré Jésus si quatre hommes n’avaient découvert la terrasse et creusé un trou (Marc 2,1) ?

Pour terminer ces regards sur le Nouveau Testament retenons deux autres situations. « Seul Luc est avec moi » : cette remarque de Paul (2 Timothée 4,11) n’est pas seulement un constat, elle repose, peut-être avec amertume, sur la connivence fidèle entre les deux apôtres, tissée dans l’action commune et dans la foi. Une telle amitié a dû être un accompagnement solide pour l’un comme pour l’autre. D’autre part nous voyons Priscille et Aquila participant à la formation d’Apollos qui prêchait avec science et éloquence : « Ils lui exposèrent plus exactement la Voie. » (Actes 18,26)Apollos était instruit de la Voie du Seigneur, mais eux affermissent cette découverte ; formés par Paul ils complètent les lacunes, deviennent à leurs tours formateurs. Aujourd’hui on parle d’accompagnateurs dans le cadre du catéchuménat, mais chacun ne doit-il pas soutenir la foi ou les connaissances de l’autre en fonction de ce qu’il a lui-même reçu ?

Une communauté pastorale

Ces quelques exemples nous montrent une communauté qui se construit, s’édifie, dans la mesure où chacun est à la fois accompagnateur de son frère et accompagné par lui. A la fraternité de rivalité que montrent Caïn et Abel, la communauté chrétienne révèle une fraternité de service, de promotion de l’autre.

On pourrait éventuellement lire à travers ces exemples comment est honorée la triple dimension de la charge pastorale (cf. canon 519). Par l’action réciproque des chrétiens entre eux, la communauté tout entière se trouve porteuse et témoin de la triple tâche qui la configure au Christ. Les chrétiens sont à la fois, chacun pour leur part, prêtres en présentant à Dieu la vie de chacun, prophètes en rappelant sans cesse à quoi nous sommes appelés, et rois en indiquant les chemins de la conduite digne du Christ. Et ces progrès de la communauté sont en retour une stimulation pour chaque membre. Une communauté nourrie de cet accompagnement fraternel, sera d’autant plus riche et inventive dans la disponibilité aux situations d’évangélisation.

La sainteté ensemble

 Le pape François, dans son exhortation apostolique sur l’appel à la sainteté, Gaudete et exultate, souligne fortement cet aspect communautaire de la marche chrétienne. 

« La sanctification est un chemin communautaire. » (n°141) François évoque d’abord les communautés qui ont souffert le martyre, comme les moines de Tibhirine, puis les grandes figures de rencontres spirituelles comme Augustin et Monique sa mère. Mais il insiste également sur les vies communautaires ordinaires comme la famille ou la paroisse et il les appelle, à l’exemple de la communauté de Jésus et des disciples à se rendre attentives aux détails : détail du vin qui vient à manquer à la fête, d’une brebis qui manque, d’une veuve offrant deux piécettes, le détail d’avoir allumé un feu de braise avec du poisson posé dessus tandis qu’il attendait les disciples. (Jean 21,9)

Mais la communauté n’est pas refermée égoïstement sur elle-même ; elle se sanctifie pour sanctifier le monde, selon le projet de Dieu. « La communauté qui préserve les petits détails de l’amour, où les membres se protègent les uns les autres et créent un lieu ouvert et d’évangélisation est le lieu de la présence du Ressuscité qui la sanctifie selon le projet du Père. » (Gaudete et exultate, n°145)

 

Par  Joseph Fini

 

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