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La Déclaration universelle des droits de l’homme

Il y a un peu plus de deux mois, nous étions invités avec tous les peuples du monde à célébrer le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Au milieu de tant de remous du présent, l’événement de la signature de cette déclaration universelle le 10 décembre 1948 est passé presque inaperçu. Et pourtant, lorsque tout désormais s’inscrit dans le cadre de la mondialisation avec ses espoirs et ses menaces, plus que par le passé ce texte de portée mondiale mérite d’être relu et médité. En effet sa visée est la mise en œuvre de « l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations » (préambule).

La « conscience de l’humanité »

La guerre de 1939-1945 avait donné lieu, dans notre monde « civilisé », à un tel déferlement de barbarie qu’il fallait un véritable réveil de la « conscience de l’humanité ». Y a-t-il ou non une humanité où quiconque est reconnu humain partage avec tous les autres humains la même dignité et les mêmes droits ? Faire exister cette commune humanité réclame des garanties. Ce sont ces garanties que cherchent à formuler les 22 articles de cette déclaration. 

C’est « l’Organisation des Nations Unies » (ONU) récemment mise en place qui, à ce moment historique du monde contemporain, assume la responsabilité de l’élaboration de ce texte et de sa mise en application. 

Toutes les nations n’y ont pas apposé leur signature. Étant donné le mode de rédaction de cette déclaration, l’une des raisons invoquées pour le refus d’engagement a été son origine et son esprit jugés trop liés aux idées des pays occidentaux. L’Afrique et l’Asie dans l’ensemble ne s’y sont pas reconnus. C’était en 1948. Des évolutions positives ont pu être notées depuis lors, mais hélas aussi des violations flagrantes par rapport aux engagements initiaux.

Le fondement

Un terme peut être retenu : la dignité humaine. Le préambule parle de « la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine ». Aujourd’hui encore, comment trouverions-nous un équivalent de ce trait fondamental ? Cela ne veut pas dire que, lorsque se présentent des problèmes aigus et souvent inédits, il soit facile de se trouver d’accord sur le contenu de cette dignité humaine et de ses exigences concrètes. 

En 1963, le pape Jean XXIII, dans son encyclique Pacem in terris, constate que le but essentiel de l’Organisation des Nations Unies (ONU) est de nature à fonder « des relations amicales, fondées sur le principe de l’égalité, du respect réciproque… » (n° 142) Et aussitôt après l’encyclique salue la déclaration universelle des droits de l’homme comme « l’un des actes les plus importants accomplis » par cette organisation internationale. Car il faut y voir « un pas vers l’établissement d’une organisation juridico-politique de la communauté mondiale… » (n° 143)

Dans cette ligne viendront d’autres documents du Magistère catholique prônant une autorité internationale comme nécessaire, non seulement à la paix, mais encore à la justice mondiale. On peut citer notamment l’encyclique du pape Benoit XVI Caritas in veritate. Quand on constate l’énormité des égoïsmes collectifs, inspirés encore aujourd’hui par des intérêts de type nationaliste, il conviendrait qu’avec d’autres, et dans un esprit proprement évangélique, les chrétiens œuvrent à une véritable ouverture de cette voie.  

Encore faudrait-il que sur le plan éthique, et malgré la complexité des questions telles qu’elles surgissent, des consensus globaux, ou même partiels, puissent émerger au prix de confrontations loyales et exigeantes.

Dieu et les droits de l’homme

Il faut d’abord cesser de dire que l’Église, et principalement l’Église catholique, rejette ou s’autorise à méconnaître la Déclaration universelle des droits de l’homme. 

Sommairement, certains opposent, aujourd’hui comme à d’autres époques, les droits de Dieu et les droits de l’homme. Il suffirait de se souvenir de Pacem in terris pour reconnaître le simplisme et le parti pris de ce propos. Le mieux est de remonter jusqu’au récit de la création dans le livre de la Genèse : « Dieu créa l’homme à son image, comme sa ressemblance. » (Gen. 1, 26-27) Dieu veut l’accomplissement de l’homme. S’il est des droits de l’homme, ce n’est que l’expression des droits dont il a besoin pour réaliser sa vocation. Comment entendre celle-ci ? C’est là un vrai débat. Mais il est contre-indiqué de l’aborder à l’envers. Dieu n’est pas là d’abord pour interdire, mais pour demander que la mise en œuvre de la vocation humaine soit conforme à la noblesse de son être, créé à l’image de Dieu.

Il est vrai qu’entre le vote de la Déclaration universelle (1948) et sa reconnaissance explicite par l’Église catholique (1963) il se sera écoulé plus de quinze ans. Le pape Jean XXIII a évoqué des « objections » et des « réserves justifiées » (Pacem in terris n° 144). La réserve, encore aujourd’hui exprimée dans certains cercles, est l’absence de toute mention de Dieu par rapport à la dignité humaine. 

Il est vrai aussi qu’il est des textes juridiques du genre « constitution » où Dieu figure dès l’entrée, par exemple la constitution de la IIe République en France qui mentionne : « en présence de Dieu » (1848). La déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique évoque « les hommes doués par le Créateur de droits inaliénables » (1776). L’Assemblée constituante, lors de la Révolution française, en adoptant une déclaration des droits de l’homme et du citoyen, fait référence à « la présence et aux auspices de l’Être suprême » (août 1789), manière déiste, pour l’époque, de faire vaguement droit aux références religieuses. Au milieu du XXe siècle (1948) l’évidence sociale d’un Dieu créateur et législateur a singulièrement reculé. La conception d’un Dieu personnel en son rapport à l’homme est loin d’être unanime quant à son expression. Aurait-il fallu instaurer un débat sur Dieu ? L’histoire nous aurait montré, à l’heure où nous sommes, qu’aucune conclusion dans l’enceinte des Nations unies n’aurait été pertinente et durable. 

Pour la première fois un pape s’est rendu à l’ONU en 1965 et a pu parler à la tribune, devant les représentants de nombreux pays, au nom d’une Église « experte en humanité », selon l’expression de Paul VI. D’où lui vient une telle « expertise » ? Essentiellement d’une tradition porteuse d’une Révélation de Dieu concernant l’homme. Sécularisée, cette tradition ne peut oublier tout ce qu’elle doit au christianisme. L’histoire en atteste.

Par Gaston Pietri.

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