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La parole de l’économe : Gabriel Simar, économe intérimaire, situation économique du diocèse d’Ajaccio

1. Notre évêque avait exprimé le souhait de réaliser une évaluation des finances du diocèse, et cette initiative a été concrétisée en février dernier avec la visite en Corse d’une équipe d’auditeurs de l’Église de France. Parmi ces auditeurs se trouve Gabriel Simar, qui fait des séjours en Corse et assure désormais la gestion intérimaire de l’économat. Nous avons le plaisir de recevoir Gabriel Simar aujourd’hui pour discuter de divers sujets, notamment son parcours, sa perspective sur l’Église et spécifiquement sur notre diocèse. Nous aborderons également la question du denier de l’Église, sachant que la contribution des fidèles est essentielle pour le fonctionnement de l’Église en Corse. Avant d’entrer dans le détail du denier, pourriez-vous nous partager quelques éléments sur votre expérience professionnelle et nous donner un aperçu de la mission de la cellule d’auditeurs de l’Église de France que vous avez rejointe ?

Je suis originaire du continent, et mon parcours professionnel a débuté avec une formation en agriculture, suivie d’une expérience dans le domaine du conseil. J’ai travaillé au Laboratoire d’économie rurale de Grignon ainsi que dans un centre d’économie rurale. Par la suite, l’évêque de Beauvais, puisque je suis originaire du diocèse de Beauvais, m’a sollicité pour prendre en charge le poste d’économe au sein de ce diocèse. J’ai occupé cette fonction pendant douze ans et demi, avant de prendre ma retraite.

Durant toute cette période, j’ai été impliqué dans des audits au nom de la conférence des évêques. Chaque fois qu’il y avait un changement d’évêque, il était proposé de réaliser un audit global couvrant quatre domaines : la gouvernance, les ressources humaines (prêtres et laïcs), l’immobilier ainsi que les finances. En février dernier, j’ai fait partie d’une équipe de trois personnes venues de Paris pour effectuer des audits au sein de différentes paroisses. Notre mission consistait à examiner plusieurs aspects, rencontrer divers intervenants et établir des constats.

Pendant ces audits, nous nous sommes particulièrement penchés sur la situation financière et administrative, en apportant un regard externe et objectif afin de mieux comprendre la réalité des paroisses et du diocèse dans leur ensemble.

2. Quelle est la situation justement pour le diocèse de Corse ?

Je me familiarise un peu plus avec la situation actuelle du diocèse de Corse, car suite au décès de votre économe, la conférence des évêques m’a sollicité pour prendre en charge l’intérim de cette fonction. Actuellement, l’état économique du diocèse de Corse est particulièrement complexe. Nos dépenses s’élèvent à environ 4 millions d’euros, tandis que nos recettes oscillent autour de 3,6 à 3,7 millions d’euros. Cette configuration crée un déficit structurel d’environ 350 000 à 400 000 euros par an.

Ce déficit n’est pas attribuable à des charges excessives. Bien entendu, il existe des marges d’optimisation possibles pour certaines dépenses, mais il est important de noter que certaines charges sont difficiles à réduire dans les années à venir, notamment en raison de la hausse anticipée des coûts énergétiques qui pourrait avoir un impact sur nos comptes. Cependant, ce qui ressort de manière significative, et que j’ai pu constater dès février et à présent après une analyse minutieuse des comptes, c’est que nos recettes sont anormalement faibles.

Il est essentiel de comprendre les raisons qui motivent ce niveau de recettes afin d’élaborer des stratégies pour renforcer nos sources de financement et garantir la pérennité financière du diocèse.

3. Comment expliquez-vous cette situation ? Quels sont les éléments précis qui posent problème en fin de compte ?

Je crois que la sous-sollicitation des laïcs et le manque d’explication concernant la situation financière du diocèse en sont les principales raisons. Il semblerait que l’économie ne soit pas suffisamment abordée dans les paroisses. Actuellement, Monseigneur BUSTILLO a pris des mesures en invitant plusieurs prêtres à venir en Corse afin d’assurer un plus grand nombre de célébrations et une présence ecclésiastique plus marquée sur le territoire. Cependant, l’arrivée de nouveaux membres du clergé a entraîné une augmentation des charges, tandis que les recettes ont plutôt diminué. Cette situation crée un écart croissant entre les deux, un phénomène que l’on pourrait comparer à un ciseau.

Cet écart entre les dépenses et les recettes va probablement poser de sérieux problèmes à l’Église de Corse à l’avenir. Pour équilibrer les finances à court terme, il serait nécessaire de capitaliser, c’est-à-dire vendre des biens immobiliers. Cependant, il est peu réaliste de compter sur la vente immobilière chaque année pour combler les déficits. Dans ce contexte, je suis d’avis qu’il est crucial de responsabiliser les fidèles. Actuellement, grâce à l’effort de leur évêque, ils bénéficient d’un plus grand nombre de célébrations dans toutes les paroisses de l’île. Cependant, il est également impératif qu’ils prennent conscience de l’importance de contribuer au denier de l’Église, car ces contributions sont nécessaires pour couvrir les traitements des prêtres et maintenir l’équilibre financier de l’Église.

4. Effectivement, aborder les sujets de foi et d’argent, notamment l’économie, peut parfois être délicat. Cependant, le denier de l’Église est une réalité vitale pour assurer la subsistance du diocèse. Pourriez-vous nous éclairer sur l’utilisation concrète de ces fonds ? Pourquoi est-il crucial que les fidèles comprennent l’importance de faire des dons et comment cela établit-il un lien significatif ?

On a cinq familles de recettes. On a le denier de l’église, on a les quêtes, On a les casuels, c’est à dire les offrandes lors de célébrations, baptêmes, mariages, funérailles. On a les offrandes de messe et nous avons les legs, les donations et les assurances-vie. C’est la particularité de l’Église. Pour chaque recette il y a une affectation. On sait que les quêtes sont pour le fonctionnement de la paroisse. Le denier de l’Église, sert pour le traitement des prêtres, pour subvenir aux besoins des prêtres. On s’aperçoit qu’en Corse, le denier de l’Église est de l’ordre de 500 000 € en 2022 et 2023. On est en retard actuellement par rapport à la collecte de 2022, mais le traitement des prêtres est supérieur à 1 million d’euros. C’est-à-dire que globalement, si on est logique, on a de quoi payer les prêtres pendant six mois et les six mois à partir de juillet, on ne peut plus payer les prêtres sur les ressources du denier, ce qui nous pose énormément de problèmes. C’est pour cela que nous démarrons des campagnes de communication assez fortes à partir de cet été pour pouvoir sensibiliser les donateurs et les mettre devant leur responsabilité. Parce que l’Église ne vit que de dons. Nous ne recevons aucune subvention de l’Etat, aucune subvention du Vatican. Tout le monde fantasme sur les subventions du Vatican, mais il n’y en a aucune pour l’Église de France ni pour la Corse. Donc ça veut dire tout simplement qu’il faut que les fidèles contribuent davantage au fonctionnement de son Église locale.

5. Ayant une expérience de plusieurs diocèses, pouvez-vous nous dire si la situation économique du diocèse de Corse est exceptionnelle ou si d’autres diocèses font face à des défis similaires ? En comparaison avec les autres diocèses, avez-vous observé si les contributions des fidèles sont suffisantes, supérieures ou inférieures ?

En arrivant en Corse, j’ai été frappé par la forte piété populaire présente ici, une piété qui peut être absente dans certaines régions du continent. On aurait pu supposer que cette piété aurait conduit à des niveaux de collecte plus élevés, notamment en ce qui concerne le denier de l’Église. Cependant, la réalité diffère de cette attente, ce qui est plutôt surprenant.

Le diocèse de Corse n’est pas de petite taille. Avec une population de 350 000 habitants, il est comparable à des diocèses de taille moyenne sur le continent. Cependant, si je compare les chiffres avec ceux d’autres diocèses que je connais, nous sommes nettement en-dessous de la norme. En termes de denier, nos collectes devraient être environ le double de ce qu’elles sont actuellement. Plutôt que 500 000 €, nous devrions être proches du million d’euros.

Une situation curieuse se présente alors que le nombre de prêtres en activité a augmenté. Cependant, nous n’avons pas vu une augmentation proportionnelle des recettes. En effet, le denier a diminué ici à peu près dans la même proportion que sur le continent. Cette situation semble indiquer qu’il y a un certain blocage à résoudre. Il est probable que des explications plus claires seront nécessaires pour les fidèles, ainsi qu’une transparence accrue pour qu’ils comprennent mieux la situation et prennent conscience de leurs responsabilités.

Le denier, selon les règles économiques des diocèses, est principalement destiné à financer les traitements des prêtres et des laïcs en mission ecclésiale. Cependant, il ne suffit déjà pas à couvrir ces dépenses. La masse salariale pour prêtres et laïcs s’élève à environ 1 450 000 € sur le diocèse, dont plus de 1 million d’euros pour les prêtres. Malheureusement, le denier n’est pas suffisant pour financer des projets ordinaires et doit s’appuyer sur des collectes spéciales, des ressources provenant de legs ou d’autres recettes exceptionnelles.

En 2022, la particularité est qu’il n’y a pas eu de collecte pour les prêtres âgés dans le diocèse d’Ajaccio. Cette absence aggrave encore davantage les défis financiers et crée une situation tendue sur le plan économique.

6. De manière pratique, quelles pourraient être les conséquences si le diocèse demeure dans cette situation financière ?

La situation n’est pas complexe à comprendre. Depuis plusieurs années, la Conférence des évêques de France demande aux diocèses de réaliser des projections financières sur cinq ans. Toutefois, cette prévision à cinq ans n’avait pas encore été établie pour notre diocèse. Récemment, j’ai pris l’initiative de réaliser cette projection et lors de la dernière réunion du conseil presbytéral, j’ai partagé les résultats avec les membres de ce conseil, et aussi avec les doyens, et les membres du conseil pour les affaires économiques.

Ce que cette prévision montre est que, si aucune mesure n’est prise dans les cinq prochaines années, nous allons nous retrouver dans une situation critique. En d’autres termes, même si nous pouvons continuer à subsister en vendant des biens immobiliers ou en bénéficiant de legs occasionnels pour combler les déficits, cette approche n’est pas viable à long terme. Selon les projections que j’ai établies, si aucune action significative n’est entreprise, nous risquons de nous trouver dans une situation économique extrêmement précaire d’ici cinq ans. Il est impératif de réagir rapidement si nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation financière insoutenable d’ici à cinq ans.

7. Justement, le message que vous envoyez aux fidèles corses : aujourd’hui mobilisez-vous pour votre Église !

Oui, nous espérons que ce message mobilisera les gens. Nous souhaitons que cela puisse déjà influencer positivement la tendance du denier, en évitant sa baisse et en favorisant son augmentation, tout en regagnant quelques donateurs. Nous sommes conscients que le nombre de donateurs diminue, et ce qui est surprenant, c’est que parmi les 500 000 € collectés en 2022, 30 % proviennent de donateurs sur le continent. Cela signifie que, comparée à la population corse et probablement aux pratiquants réguliers, la participation au denier est encore relativement faible. De plus, ces 30 % de donateurs du continent ont un don moyen plus élevé que celui des donateurs corses sur l’île.

Il est évident que des actions doivent être entreprises pour changer cette situation. Je ne suis pas sûr que les moyens mis en place pour collecter le denier aient été suffisants jusqu’à présent. Je suis convaincu qu’une étape supplémentaire doit être franchie pour rattraper ce retard. En ce qui concerne les autres recettes également, il y a des questions à poser.

Prenons l’exemple des offrandes de messes. Cela consiste à demander à un prêtre de célébrer une messe pour une intention particulière, comme une action de grâce, pour la famille ou pour les défunts, etc. Ces offrandes de messes complètent le traitement des prêtres et sont versées en supplément par le diocèse. En 2022, nous avons un déficit de 160 000 € en ce qui concerne les offrandes de messes. Ces offrandes ont été versées aux prêtres, ce qui a généré mécaniquement une charge. Donc, même si nous discutions précédemment de la réduction des charges, si demain les laïcs et les pratiquants corses décident de donner des offrandes de messes supplémentaires à leurs prêtres, ces 160 € de déficit ne seront plus présents. Pour le diocèse, cela sera bénéfique. Je pense donc qu’il est nécessaire de travailler à la fois sur le denier et sur les offrandes de messes, car ces contributions offrent différentes manières de soutenir la communauté.

8. la vie du diocèse.

Ou même, tout simplement, pour la vie. Vous avez raison, il y a évidemment le denier, mais il y a également les offrandes de messe. Répondre aux sollicitations de vos prêtres lorsqu’ils ont des projets est également un moyen de participer activement à la vie du diocèse. C’est quelque chose à considérer. De plus, il ne faut pas sous-estimer l’importance des legs et des donations d’assurance-vie. En vertu de la législation française, si une personne n’a pas d’héritier direct, 60 % de son patrimoine ira à l’État, et seulement 40 % reviendront à ses neveux ou héritiers indirects. En choisissant de léguer par le biais de l’association diocésaine d’Ajaccio, une personne peut laisser moins de taxes à l’État, soit environ 30 %, tout en consacrant 30 % au diocèse et aux héritiers indirects. La famille pourra toujours percevoir les 40 % qui lui étaient destinés. Je pense que ces mécanismes, peu expliqués jusqu’à présent, peuvent avoir un impact significatif sur la situation financière de notre église aujourd’hui.

Personnellement, avec une quinzaine d’audits réalisés dans différents diocèses de France, qu’ils soient grands, petits ou moyens, je constate qu’Ajaccio fait partie des diocèses présentant une situation préoccupante sur le plan financier. C’est une réalité indéniable.

9. Enfin, votre perspective, vous l’avez abordée brièvement plus tôt, concernant la Corse et sa manière de vivre la foi. Vous avez mentionné cette piété populaire. Est-ce que cela vous a laissé une impression marquante ?

Oh, bien sûr ! Vous rentrez dans une église en Corse et vous ressentez tout de suite la différence. Déjà, les églises sont ouvertes, ce qui n’est pas le cas partout sur le continent. Ensuite, il y a un grand nombre de bougies qui brûlent. Si vous observez les recettes générées par les bougies et les offrandes associées aux bougies dans le diocèse d’Ajaccio, vous verrez qu’elles sont nettement supérieures aux dons au denier de l’Église. Pour moi, c’est un signe significatif. En outre, il y a une vie communautaire dynamique avec les confréries et les processions qui ont une grande importance en Corse, une tradition qui a été en partie perdue sur le continent. À mon avis, c’est un désavantage pour le continent d’avoir perdu cette riche piété populaire.

Je suis désormais confiant que les fidèles vont se mobiliser pour soutenir leur église. Vous avez la chance d’avoir un évêque qui est porteur de projets, qui est entreprenant et qui assume des responsabilités au sein de l’Église universelle. Je vous encourage à en profiter, à lui fournir les ressources nécessaires pour qu’il puisse continuer à annoncer l’Évangile et à revitaliser cette sainte Église de Corse.

10. Alors, juste avant de se quitter pour nos auditeurs, si on veut soutenir l’Église de Corse, comment fait-on ?

J’espère que vous avez pu remarquer, car je n’ai pas visité toutes les églises, mais en tout cas, tous les prêtres, tous les curés ont reçu des enveloppes destinées à être disponibles dans les églises. Vous pouvez les prendre en sortant de l’église et y glisser votre chèque pour ensuite l’adresser à l’association diocésaine d’Ajaccio. En contrepartie, vous recevrez un reçu fiscal. Si vous occupez le rôle de trésorier au sein d’une paroisse, je vous encourage à en tenir compte. Pendant la période estivale, il est possible de distribuer ces enveloppes chaque dimanche à la sortie de la messe. Cela ne nécessite aucune dépense de votre part et peut permettre à un certain nombre de personnes, touchées comme je l’ai été par l’Église de Corse, de contribuer à leur tour.

/ Retranscris par le service comm du diocèse – réalisé par Laetitia Pietri RCF Corsica

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