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Les martyrs d’Algérie

Ce 8 décembre 2018 à Oran va être célébrée la béatification de 19 témoins de l’évangile assassinés entre 1993 et 1996 sur cette terre algérienne. Cette période a été pour le peuple algérien ce que l’on a appelé la « décennie noire ». L’Église d’Algérie, petite minorité chrétienne au milieu d’une population musulmane en quasi-totalité, s’est trouvée de très près mêlée aux événements et aux pires drames. Ce n’est pas par hasard que ces chrétiens étaient là. Le risque d’une mort violente était présent à leur esprit. Cette mort, l’Église a choisi de la dénommer martyre.

Qui étaient ces 19 martyrs ? 

L’évêque d’Oran lui-même, Mgr Pierre Claverie, assassiné le 1er août 1993, avait envisagé ce risque avec une exceptionnelle lucidité dont le sens était « l’amour jusqu’au bout ». On compte, parmi les 19, six religieuses appartenant à plusieurs congrégations présentes à l’époque en Algérie. En font partie aussi quatre pères blancs (c’est ainsi qu’on appelle communément les « missionnaires d’Afrique ») qui sont tombés en 1994 à Tizi Ouzou sous les balles des extrémistes. 

C’est le 22 mars 1996 qu’à l’abbaye de Tibhirine sept moines cisterciens ont été enlevés par un commando à une heure du matin. Ils ont été décapités près de Médéa. à cause des liens particulièrement marquants avec les communautés chrétiennes de France, ces moines et leur monastère sont restés exceptionnellement présents à notre mémoire. Les 19 vont être intimement associés lors de cette béatification qui aura lieu à la basilique Santa Cruz dans la ville algérienne d’Oran.

Un témoignage à méditer

C’est à une véritable méditation que nous invite cette célébration. Ces 19 sont de vrais martyrs parce que c’est la foi en Christ qui a guidé leur itinéraire dans cette période tourmentée où l’Algérie en son ensemble a connu 200 000 morts. « Une béatification de tous les risques », a écrit le père Jean-Paul Vesco aujourd’hui évêque d’Oran, successeur du père Pierre Claverie tombé sur le seuil de son évêché en même temps que son fidèle chauffeur musulman. A cause de la foi, ces hommes et ces femmes sont devenus des « martyrs de la charité » (comme on l’a dit). Ils voulaient être intégralement solidaires de tous ceux, musulmans pour la plupart, qui, comme les 200 000 victimes, ont tenté de résister aux menaces incessantes des extrémistes. Ceux-ci étaient regroupés dans un mouvement désigné par le sigle GIA. Les mises en garde n’ont pas manqué. Le dilemme « partir ou rester » avait été dramatique, comme le montrent les écrits de l’abbaye de Tibhirine et le film poignant Des hommes et des dieux. Des autorités de l’ordre cistercien avaient conseillé le départ tout en respectant cette admirable liberté inspirée par l’amour d’un peuple. Il est vrai que l’autre risque, en quittant l’Algérie, était d’appauvrir davantage la présence chrétienne sur cette terre où elle aurait mérité d’être appelée « petit troupeau », comme Jésus le disait à ses disciples. Petit certes, mais signifiant. Or l’Église est d’abord signe d’un salut universel.

Relation avec les non-chrétiens

La plupart de ceux qui, au péril de leur vie, ont affronté la violence du GIA étaient de vrais musulmans. Un aspect du témoignage des martyrs chrétiens a été la fraternité vécue avec ceux qui ne partageaient pas leur foi. De ceux-là qui dans le contexte de l’Algérie étaient officiellement adeptes de l’Islam, ils ne pouvaient chercher par quelque forme de prosélytisme à faire des chrétiens. Sans proclamation publique à leur égard, les témoins chrétiens faisaient exister à leurs yeux le Message évangélique. L’Algérie avait connu une forme du droit à la liberté religieuse ; mais en fait, la prégnance musulmane et les positions du GIA n’ont cessé d’augmenter les restrictions dont les chrétiens ont fait les frais. 

Les écrits du frère Christian de Chergé, prieur de l’abbaye de Tibhirine, manifestent ce qu’a été, au vu et au su de tous, l’importance de la prière comme expression de la foi. Frère Christian aimait à dire : « Nous sommes des priants parmi les priants. » Il connaissait de très près une tradition minoritaire mais remarquable qui est celle du soufisme. Ce courant mystique, si éloigné de l’islamisme sectaire et violent, était pour les moines de Tibhirine un « Islam de paix » qu’ils connaissaient par certains de leurs visiteurs les plus fidèles.

Un message à notre adresse

La minorité chrétienne, à laquelle appartenaient ces 19 martyrs, offrait pour l’époque le visage d’une Église qui est l’Église de quelques-uns et en même temps une Église pour tous. C’est ce que ne cessait de rappeler au même moment l’archevêque d’Alger, Mgr Henri Tessier. Nous pourrions retrouver cet esprit du « pour tous » dans un magnifique ouvrage de Michaël Lonsdale, l’un des acteurs du film Des hommes et des dieux. Son titre, Luc, mon frère, n’est autre que l’évocation de frère Luc de Tibhirine que l’acteur Michaël Lonsdale a incarné dans le film : le médecin devenu frère trappiste donné à tous, à travers les soins dispensés aux plus pauvres, sans distinction religieuse ou politique, image d’une Église pour tous. Chaque année pour l’anniversaire des 4 pères blancs de Tizi Ouzou des Algériens musulmans viennent prier sur leur tombe. Ils viennent prier parce qu’ils ont compris que, si les croyants en Christ et les croyants de l’Islam prient différemment, la prière est ce lien qui tisse dans les cœurs une mystérieuse fraternité.

Par Gaston Pietri.

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