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Des rites pour les grandes étapes de la vie

Dans les bouleversements actuels du paysage social il y a à la fois similitude et différence entre les changements de la société et leur impact sur la vie religieuse. Une donnée commune est observée : c’est la rupture de la transmission. Il y a place pour des évolutions. Certaines sont acquises. D’autres se cherchent. Mais il est des repères qu’on ne peut contourner.

Les enjeux des rites traditionnels

Les rangs clairsemés des assemblées du dimanche ont de quoi accréditer chez certains le titre de Jean Delumeau dans un livre de 1977 : « Le christianisme va-t-il mourir ? » Il y a la question des rites traditionnels liés aux différentes étapes de l’existence : naissance et baptême, enfance et première communion ainsi que l’ancienne « communion solennelle » devenue « profession de foi », mariages religieux et funérailles chrétiennes. Où en est la transmission ?

Pour les rites traditionnels, parlant de « conformisme saisonnier », les sociologues confirmaient leur maintien qui, selon les régions, pouvait être encore de l’ordre de 90%. Une ville comme Ajaccio au début des années 1960 comptait, pour la communion solennelle, quelque 86 % des enfants scolarisés au même âge aussi bien en école publique qu’en école catholique. On ne ressentait aucun besoin d’appeler la population à y être fidèle, tant ces rites étaient dans l’ordre normal des choses. Mais on s’interrogeait : quelle authenticité chrétienne ? 

Le constat des pousses nouvelles

Le déclin de ces rites a nettement commencé dès les années 1980. L’espérance s’appuie principalement sur le constat des pousses nouvelles : baptême d’adultes en progression constante même si elle n’est pas spectaculaire ; enfants non baptisés en demande de baptême au contact des camarades d’école catéchisés, demandes de confirmation de la part d’adolescents et d’adultes témoignant parfois d’une heureuse découverte. Et l’on pourrait citer bien d’autres situations. Y a-t-il transmission ? Oui, certes. Mais nous allons vers une situation où n’existera plus une symbiose assurée des marqueurs religieux et des marqueurs culturels.

Temps de préparation pour le baptême 

Il s’agit de considérer l’interaction entre des facteurs sociétaux et des facteurs internes à l’Église. Le tout premier temps de la vie d’un nouveau-né, dans une société autrefois massivement gagnée au christianisme, a connu comme allant de soi le baptême dès la petite enfance, au point que ce rite chrétien s’est trouvé très naturellement reconnu comme le rite de la naissance : rite religieux et en même temps social comme si l’inscription à l’état civil et l’acte de baptême dans l’opinion ne faisaient qu’un. L’Église, de plus, enjoignait aux parents catholiques l’obligation de présenter l’enfant pour le baptême le plus tôt possible. La règle paraissait intouchable. Les évêques de France ont jugé nécessaire dans les années 1950, d’instaurer un temps de préparation : heureuse innovation que cette rencontre des parents, généralement aussi des parrains et marraines, pour aider à une prise de conscience et à un certain degré d’engagement personnel en vue de l’éducation de la foi de l’enfant. Il fallait bien, sans occulter l’histoire de péché dans laquelle naît chaque humain, voir reculer l’idée du péril spirituel extrême que représenterait la mort d’un enfant non encore baptisé. 

Est apparue la tentation de différer à l’excès, de se laisser gagner par la négligence ou le désintérêt. C’est en partie ce que nous constatons en rencontrant des enfants et des adolescents non baptisés, y compris ceux qui ont la chance un jour d’être attirés par un groupe de catéchèse. Car les préparations au baptême, à cet âge-là, sont des occasions très positives unanimement appréciées de rencontre avec l’Évangile. Nul ne peut imaginer qu’un retour en arrière sur ce point serait bénéfique.

Des cheminements pédagogiques indispensables

Ce qui était en cause pour l’Église, on le voit bien, se résumait dans le hiatus à combler entre des coutumes encore bien enracinées et les sacrements qui ne peuvent se comprendre et se vivre que grâce à une foi éclairée. Il fallait ménager les cheminements pédagogiques appropriés. Le cas du baptême est significatif. Celui de l’Eucharistie l’est plus encore, à cause des débats qu’a suscités le premier accès à la communion. Il n’y a pas longtemps encore, société et Église s’accordaient à appeler ce rite tout simplement « la communion ». D’un enfant l’on disait : « A-t-il fait sa communion ? » 

Plus tard on parlera de « communion solennelle ». L’épithète jusque-là n’était pas nécessaire, car cette communion était aux yeux de tous la première. C’est en 1910 que par son décret Quam singulari, le pape Pie X a recommandé la communion des enfants à partir de l’âge de 7 ans. Que faire alors concernant le rite socialement si marqué de la première communion ? Dans de nombreuses paroisses, cette communion voulue comme précoce a tardé à trouver place. D’autant que, si l’on voulait maintenir la forme de passage de l’enfance à une certaine adolescence, ce rite social ne devait plus s’appeler simplement « la communion ». C’est là que se sont distinguées « communion privée » et « communion solennelle ». 

L’accès à l’Eucharistie

Il apparaît que la transformation de cette « communion solennelle » en « profession de foi » a été problématique. Deux auteurs, Robert Pannet et Augustin Cottin, dans un article de mai 1963, soulignaient avec vigueur combien « La communion solennelle avait été, à bien des égards, la clef du catholicisme populaire “saisonnier” » (Témoignage chrétien, 10 mai 1963). C’est sous cet angle, celui du paysage social, tel qu’il fut hérité du temps où l’Église coïncidait avec la société, que l’on est obligé de reconnaître un certain déficit. Les mutations ecclésiales en ce domaine comme en d’autres sont corrélatives des mutations culturelles qui ont connu un pic dans les années 1960. Sans compter que déjà, dans les années 1950, on déplorait le décrochage considérable des jeunes dès le lendemain de la communion solennelle. 

Pour en rester au baptême et à la « communion » (comme l’appellent encore bien des familles), deux volets sont à considérer : d’une part le rite avec sa portée d’intégration sociale, d’autre part la foi et les signes spécifiquement chrétiens. Ces rites ont résisté et partiellement résistent encore à la sécularisation globale de la société. Leur audience populaire nous interroge. Leur persistance témoigne à sa façon de la permanence de « l’homo religiosus » que décrit Mircea Eliade comme historien des religions. Certes la religion, au sens d’un certain instinct religieux, n’est pas la foi. Car la foi est d’abord l’accueil de Dieu venant vers l’homme, et non seulement le fait de se référer à un au-delà de l’humain, parfois bien confusément. Mais le christianisme a fait la preuve, dès ses débuts, de sa capacité à ressaisir l’attente religieuse païenne pour y déposer les germes de la nouveauté chrétienne. 

Par Gaston Pietri.

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