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« Je vais vous dire pourquoi j’admire Père Charles Dominique Albini. »

Je l’admire parce qu’il s’est tordu la cheville en fuyant les habitants de Linguizzetta et de Canale di Verde. En fait, le 17 septembre 1837, après une mission particulièrement réussie, les habitants de ces villages voulaient célébrer leur héros, lui montrer leur enthousiasme et leur reconnaissance… Charles Dominique, selon les témoins, a préféré s’esquiver, filer à l’anglaise immédiatement après l’implantation de la croix. C’est pendant cette fuite précipitée que l’accident est arrivé. Sollicité par le P. Guibert pour décrire ses succès missionnaires, il se montre sobre et même évasif dans ses propos sur lui-même. Il n’aimait pas parler de lui. Il était là pour parler de Jésus-Christ. « Etre compris, c’est l’essentiel » disait-il ; « être applaudi, c’est de la sauce ! », c’est-à-dire que c’est futile, sans importance… Il y a tout un symbole dans cette contusion au pied droit, alors qu’il se dérobait à la démonstration de reconnaissance des fidèles.

Je sens qu’il a dû passer des heures à méditer les paroles de Jésus : « Quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “nous ne sommes que des serviteurs simples, nous n’avons fait  que notre devoir” » (Lc 17, 10). Il a dû  vraiment faire sien ce secret évangélique : « qui veut être le premier, qu’il soit votre serviteur » (Mt 20,27). Il a vécu 3 ans en Corse, en missionnaire extraordinaire, et il a fait aussi de son mieux pour passer discrètement, humblement, sans chercher à attirer l’attention sur lui et sans vouloir laisser des traces derrière lui. 

Il ne nous a laissé qu’une seule image de lui-même, de toute sa vie ! — impensable à notre époque de selfies ! C’est seulement après sa mort, en 1839, que le P. Eugène de Mazenod fait faire rapidement son portrait par un célèbre graveur aixois Marius Reinaud. 

A Vico, nous ne gardons aucun souvenir matériel de son passage même si, d’après les chroniques du couvent, en 1945 encore, les pères couvrent le P. Joseph Puchala souffrant avec le manteau du P. Albini, en espérant sa guérison. 

En effet, ce jeune oblat accidenté put servir encore de longues années en tant que missionnaire. Le P. Albini nous a laissé peu de lettres, peu d’écrits… 

Même après sa mort, il semble fuir notre désir de l’honorer, de le célébrer, de le glorifier. En 1884, le P. Audric se plaint que la tombe du P. Albini soit mal indiquée : il a vu pendant plus de vingt ans « de nombreux fidèles se tenir à genoux et prier avec ferveur devant une blanche muraille qui ne leur disait rien d’autre que : “ici  reposent probablement, les restes du saint Père Albini !” » Et même aujourd’hui, peu nombreux sont ceux qui connaissent avec précision l’emplacement de sa dépouille mortelle. Son procès en béatification, malgré des décennies d’efforts, n’ont abouti qu’à de maigres résultats… comme si notre frère Charles Dominique continuait à se dérober, à fuir Linguizzetta et Canale di Verde… 

Nous vivons dans une société où l’autopromotion est à la mode… Nous sommes si souvent  friands de reconnaissance, de considération. Il arrive que nous cédions à la tentation de paraître pour avoir l’illusion d’être. Parfois, il nous semble que nous n’existons pas, si nous ne brillons pas, si les autres ne parlent pas sans cesse de nous… C’en est parfois tellement ridicule.

Oui, je l’admire, il m’intrigue, ce frère dont nous gardons le portrait dans notre chapelle, où chaque matin, à 8h, nous célébrons l’eucharistie ouverte à tous, sur un autel placé à peu près là où il y avait son lit et où il est mort le 20 mai 1839.

Comme chaque année, nous nous sommes retrouvés le 20 mai pour célébrer cette date mémorable, pour célébrer cet homme extraordinaire. Cette année, nous avons reçu avec joie le P. Louis Lougen, supérieur général des oblats, qui a présidé l’eucharistie en l’honneur de notre P. Albini. Et j’aime à penser que s’il pouvait être avec nous en chair et en os, il aurait… rougi. Oh, non ! Il n’était pas timide ! Il était humble, c’est-à-dire vrai.

Par Greg Skicki, omi. 

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