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Jacques Amyot, l’évêque-traducteur

Jacques Amyot (1513-1593) est un personnage considérable. Même si ses liens avec la Corse sont indirects, l’admiration que son œuvre y suscite date de loin, historiquement et littérairement.

Un personnage considérable et discret

Voilà un homme, né il y a cinq siècles, un homme à qui, dans l’ordre, l’Eglise et la France, dont Montaigne, et Shakespeare en Angleterre, doivent beaucoup. À ces admirateurs-là, il faudrait ajouter les belles figures avides d’action et de beaux éclats qui marquèrent l’histoire de notre île, entre seizième et dix-neuvième siècles : elles avaient le goût des écrivains de l’Antiquité grecque et romaine. Cet homme de haut mérite est né le 30 octobre 1513, à Melun. Il mourut à Auxerre en 1593, le 6 février. Il fut évêque et aussi le prince des lettrés ; son nom : Jacques Amyot. Son histoire est belle. Né de parents pauvres, il se rend à pied à Paris, passant par l’hôpital d’Orléans — qui lui fournit quelque secours. Amyot ne l’oubliera jamais, léguant à Orléans une somme énorme en souvenir de douze deniers reçus dans son périple. À Paris, il suit les cours du prestigieux collège de Navarre, il devient ensuite professeur de grec et de latin à l’Université de Bourges. Pendant ses dix années de maître universitaire, il traduit le roman Théagène et Chariclée du Grec Héliodore. Cela lui vaudra l’estime et des récompenses de la part du roi François 1er. Grâce à ce soutien, Amyot part au Vatican consulter les manuscrits de Plutarque. Il en tirera sa traduction étincelante et toujours admirée des Vies parallèles des hommes illustres, qui sera lue par bien des Corses dès sa parution (et jusqu’à nos jours) : depuis les membres de la famille d’Ornano (dont Alphonse, fils de Sampiero et de Vannina, et filleul de Catherine de Médicis), jusqu’à Paoli et Bonaparte, puis bien d’autres. Cette traduction de Plutarque prendra sept ans de la vie d’Amyot. Elle sera son œuvre majeure. Acteur diplomatique du Concile de Trente (qui eut de fortes retombées en Corse et sur l’ensemble de la Méditerranée chrétienne), Amyot devient l’éducateur des enfants du roi Henri II et de Catherine de Médicis. On sait les tentatives du couple royal pour faire basculer la Corse du côté de la France dans les années 1550. Amyot, Grand Aumônier de France sous Charles IX, commandeur de l’ordre du Saint-Esprit sous Henri III, a plus que croisé un bon nombre des soutiens corses de la maison royale de France d’alors.

Notre île ne peut ignorer ou négliger le dévoué Amyot.

Chez lui, le savant primait. Directeur de la Librairie, puis de la Bibliothèque du Roi — la future Bibliothèque nationale de France en fait — Amyot la fit transférer de Fontainebleau à Paris. Le grand pape Pie V fit Amyot évêque d’Auxerre. Le nouvel évêque se consacra avec sérieux à son ministère et fonda à Auxerre un collège qui existe toujours. Si Amyot subit des difficultés au terme de sa vie et dans les guerres de Religion, il ne manqua ni de piété ni de courage. Mais il a eu d’autres vertus : celles qui font de lui le traducteur majeur de Diodore de Sicile, du délicat Longus et, surtout, de l’immense et multiple Plutarque. Traduite en anglais par Thomas North, c’est l’œuvre d’Amyot vouée au service glorieux de Plutarque, donc, qui nourrit l’ensemble fabuleux des pièces romaines de William Shakespeare. L’évêque fut le découvreur des manuscrits de Diodore de Sicile, et en y ajoutant Plutarque, il rendit ainsi à la lumière savante de son temps, en maintes occasions, une image jusque-là perdue de la Corse antique. Après Bonaparte et Paoli, Jérôme Carcopino puis bien des spécialistes corses passionnés par l’Antiquité continuent de lire et de recommander Amyot : parmi eux, notamment, Olivier Battistini, actuel et vif défenseur et illustrateur du génie de Plutarque, au fil d’ouvrages précieux et publiés aux éditions Clémentine, qui sont corses, et dans la précieuse collection Studia humanitatis, expression qui pourrait être la devise d’Amyot. Plutarque et Amyot sont indissociables. Les chercheurs corses qui s’en servent toujours ne font que suivre l’hommage de Montaigne à Amyot dans ses Essais : « Je donne, avec raison, ce me semble, la palme à Jacques Amyot sur tous nos écrivains français. » Et : « Nous autres ignorants étions perdus, si ce livre ne nous eût relevés du bourbier. » On ne saurait mieux dire. Montaigne, bien sûr, comme souvent, a raison ; et nombre d’érudits corses avec lui !

Par Raphaël Lahlou.

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