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Pourquoi des changements de religion ?

Les changements de religion, sans se banaliser à l’extrême, ne revêtent plus l’acuité de naguère. Ils ne sont signalés au public que dans des cas exceptionnels. Ils se « perdent » en quelque sorte dans les fluctuations qui affectent aussi bien la société que les individus. Ils émeuvent malgré tout les croyants fidèles à leurs confessions respectives, comme s’il n’y avait plus rien de définitif dans les appartenances et les croyances. Un bon nombre de catholiques s’interrogent sur les répercussions du dialogue interreligieux tel que l’Eglise le promeut. S’il est un gage de paix et de fraternité, ne pourrait-il accréditer chez certains l’idée simpliste, mais répétée à l’envi, selon laquelle « toutes les religions se valent » ? Ce n’est pas le dialogue loyal qui peut laisser croire que tout se vaut ; dans la société actuelle c’est plus précisément un effacement de la notion de définitif ou d’absolu. Notre relation aux autres religions n’est pas à confondre avec ce qui est dénoncé sous le nom de « relativisme » qui peut devenir de la « navigation à vue ».

Recherche commune de fraternité et de paix

Au jour anniversaire de l’assassinat du Père Jacques Hamel, en l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, se trouvaient rassemblés plusieurs responsables politiques autour du Président de la République, des chrétiens connus comme tels et des incroyants d’origine chrétienne, des fidèles musulmans nettement représentatifs de leur appartenance religieuse, une foule recueillie ainsi que des professionnels des médias du monde entier. A tous l’archevêque de Rouen livrait sa certitude : « Le Père Hamel parle encore. » L’ancien maire communiste de la commune avouait sans crainte : « Peut-être n’avons-nous pas suffisamment fait le pas vers ceux qui portent la parole des religions, notamment dans leur dimension de paix et de fraternité… » C’était une messe catholique, une célébration à laquelle ne participent normalement que des croyants catholiques. Par le passé on n’aurait pu imaginer une assemblée aussi bigarrée. Etait-ce du syncrétisme, une sorte de neutralisation confessionnelle ? Les circonstances, dramatiques en l’occurrence, de notre vie en commun faisaient de cette rencontre une attestation évangélique d’une fraternité qui récuse les barrières confessionnelles là où elles sont génératrices d’exclusion réciproque.

Le monde a changé. L’Evangile ne change pas. Simplement ceux qui le portent et ceux qui le reçoivent fréquentent au jour le jour des non-croyants mais aussi ceux qui adhèrent à d’autres messages religieux. Le christianisme sait reconnaitre « ce qui est bon et vrai » dans d’autres religions (déclaration Nostra aetate de Vatican II sur les religions non chrétiennes – n°2). Il a d’ailleurs cessé lui-même d’être essentiellement « occidental ». De bons connaisseurs du bouddhisme remarquent, comme un trait de notre époque, que ce bouddhisme lui-même a cessé d’être purement « oriental » (cf. Fabrice Midal – Quel bouddhisme pour l’Occident ? – Le Seuil – 2006). D’autres exemples montreraient aussi à quel point, selon le terme employé par les sociologues, nous assistons progressivement à une « déterritorialisation » du religieux. Autrement dit le principe « on est de la religion de sa région », formulé à l’époque des rudes conflits en Europe entre catholiques et protestants, a perdu sa raison d’être. Le territoire ne commande plus.

Déconnexion entre religions et territoires

L’histoire s’est écrite, au gré des territoires, de telle manière que dans le langage courant il y a encore des pays catholiques, d’autres protestants, d’autres intégralement musulmans, et pour l’Asie des ensembles bouddhistes ou confucianistes ou taoïstes. La déconnexion entre territoires et confessions religieuses s’opère dans le droit. Progressivement elle entre dans les faits. Toutefois, on sait qu’encore aujourd’hui, elle n’est pas vécue dans des pays depuis longtemps gagnés à l’Islam. Le passage d’une religion à une autre a pris pendant de longues périodes un caractère public, fréquemment à connotation politique. Dans ce contexte le contenu des croyances n’était pas toujours premier, loin de là, dans la signification de cette volonté de changement.

Les passages qui s’effectuent sans bruit, et parfois sans véritable interrogation, sont l’effet d’influences croisées. Ces dernières agissent à la manière d’un attrait particulier et d’une perception inédite. Le terme « métissage », employé par certains, n’est pas le plus approprié. Il cache en bien des cas une volonté de double appartenance. Or celle-ci s’avère impossible par rapport à l’intégrité de la foi, en tout cas de la foi chrétienne en sa version catholique. Dans le monde asiatique, c’est le terme lui-même de « religion », pour le confucianisme par exemple, qui procède d’une forme de mimétisme vis-à-vis de l’Occident chrétien. Quant au « zen » adopté par des occidentaux chrétiens, il devient facilement une forme de libération vis-à-vis de toute norme alors que, dans l’esprit du bouddhisme, il vise la libération des désirs de jouissance égocentrique. Cela n’empêche pas, de part et d’autre, certains effets positifs de l’apport extérieur. Les reconnaître et les apprécier n’est pas, pour qui sait réfléchir, une manière de changer de religion.

Il est facile de comprendre que le changement de religion soit mentionné parmi les droits reconnus par la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 18). Ce droit est en effet contenu dans la notion de liberté religieuse, par ailleurs prônée par une déclaration du Concile Vatican II, un droit du reste qui suppose un choix effectué par une conscience. L’Eglise catholique insiste sur la nécessité d’une conscience droite et éclairée.

Adhésion personnelle et choix d’existence

Les missions en direction de pays non encore évangélisés – ou faiblement évangélisés – ont longtemps considéré le changement de religion comme l’effet de l’évangélisation. Les religions destinées à être remplacées par le christianisme étaient alors perçues comme archaïques, contraires à la raison ou à la morale. Une meilleure compréhension de ce fond religieux inséparable en sa diversité des cultures autochtones a permis de mieux mettre en valeur l’adhésion personnelle à l’Evangile. De là découle la découverte des conséquences existentielles.

Les appellations du genre « infidèles », « hérétiques », « schismatiques », et pour les catholiques, « renégats » ou « apostats », telles qu’elles sont utilisées dans un climat polémique, sont évitées dans la mesure où elles ont une tonalité purement négative. Les chrétiens soucieux d’une relation positive doivent eux-mêmes aller plus loin dans l’appropriation intelligente de leur propre foi pour pouvoir dialoguer dans la clarté. Car cette foi elle-même, pour reprendre une expression de la philosophe Hannah Arendt, porte en elle « une capacité infinie de recommencements ».

Par Gaston Pietri.

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