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Martyrs par amour…

La reconnaissance par notre pape François du martyre en Algérie de Monseigneur Pierre Claverie, des moines de Tibhirine, des religieux et religieuses assassinés là-bas, avec la perspective de leur prochaine béatification, remplit mon cœur d’une émotion et d’une joie immenses. Je me fais un devoir de partager mon humble témoignage.

J’ai bien connu Monseigneur Pierre Claverie qui résidait à Alger. Nous sommes entrés la même année, lui chez les dominicains et moi au séminaire d’Alger-Kouba. J’ai eu avec lui mon dernier contact lors de son ordination épiscopale à laquelle il ne m’a pas été possible de me rendre. Cependant je m’y suis associé par l’envoi d’une belle étole de Slabbinck représentant en broderie saint Pierre, son saint patron et saint Dominique. J’avais souvent de ses nouvelles par son voisin et ami d’enfance Marc Zamit, mon condisciple et ami de séminaire.

Le souvenir des moines de Tibhirine reste aussi vivant dans ma mémoire et dans mon cœur. Quand j’étais jeune prêtre leur monastère était un lieu privilégié, pour y vivre des temps de réflexion et de prière et je m’y rendais régulièrement avec la Fraternité Jésus-Caritas du père de Foucauld qui l’avait choisi comme lieu de rencontre.

Des pères de Tibhirine (nous disons nous : Tibarine) je garde surtout le souvenir du père Luc, l’humble père Luc, médecin devenu trappiste. Chaque matin, en une longue file, des patients — des femmes et des enfants — attendaient patiemment que le père Luc les rejoigne après l’office. On les voyait ressortir du dispensaire, heureux, avec en main ou sous le bras des boites de remèdes dont on nous dit qu’ils provenaient de bienfaiteurs de France. Un mot enfin sur l’eau abondante et fraîche de l’Atlas qui nous désaltérait et qui donnait aux légumes cultivés par les moines leur incomparable saveur… nous participions aux offices et à la messe dans la belle et sobre chapelle où un antique coffre kabyle tenait lieu d’autel, avec autour de beaux tapis algériens. Chaque séjour à Tibarine était un véritable bonheur.

J’évoquerai maintenant les rapports privilégiés que j’ai entretenus avec les pères blancs de Tizi-Ouzou et surtout avec l’un des quatre martyrs, le père Charles Deckers, en tant que curé de Tasmaït et Dellys, localités proches de la capitale de Grande Kabylie. Assez isolé, là où je vivais, j’étais reçu fraternellement chaque semaine à la table de leur communauté. C’est le père Deckers qui était mon habituel interlocuteur et conseiller. Il m’a beaucoup aidé par son érudition, par sa précieuse connaissance du pays et de l’âme kabyle, et cela dans une période d’après-guerre où il fallait être discret et prudent. Pour les Kabyles il était devenu l’un des leurs. Avec lui j’ai découvert la population si accueillante des villages haut perchés de la montagne.

Voilà, c’était mon humble témoignage. Avec notre pape François, je souhaite que ces béatifications aujourd’hui entrevues « ne rouvrent pas les anciennes blessures mais qu’elles soient, comme l’écrivaient les évêques d’Algérie, une lumière pour notre présent et pour l’avenir. Elles disent que la haine n’est pas la juste réponse à la haine, qu’il n’y a pas de spirale inéluctable de la violence. Elles veulent être un pas vers le pardon et vers la paix pour tous les humains, à partir de l’Algérie et aussi au-delà des frontières de l’Algérie. Elles sont une parole prophétique pour notre monde. »

En conclusion, je tiens à évoquer la grande figure de l’église d’Algérie, le cardinal Léon-Etienne Duval dont j’étais si proche, et le martyre que ces drames ont fait vivre en son âme, lui dont les obsèques ont été célébrées à Notre-Dame d’Afrique, sur les hauteurs d’Alger, en même temps que celles des pères de Tibhirine.

Par Francis Ghisoni.

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