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Où en est l’oecuménisme ?

œcuménismeLe dialogue interreligieux, entre les religions, et le dialogue oecuménique, entre les confessions chrétiennes, se sont institutionnalisés avec le concile Vatican II. Aujourd’hui, plus de cinquante ans après cet élan conciliaire, le premier est présent à tous les esprits alors que le second semble marquer le pas. Qu’est-ce qui permet de comprendre cette situation ? peut -on s’en satisfaire ?

Il convient d’abord de bien saisir la spécificité de chaque dialogue. Le dialogue interreligieux met en contact des religions qui cherchent à se comprendre mais non pas à s’unir; le dialogue oecuménique anime les Eglises chrétiennes pour qu’elles retrouvent l’unité donnée par le Christ et aujourd’hui blessée.

Nécessité du dialogue interreligieux

En 1996, un chrétien engagé dans le dialogue, Jean Mouttapa, écrivait:  » Les relations entre les hommes, les peuples et les cultures subissent une telle accélération qu’il ne sera bientôt plus possible de croire en son Dieu comme si celui des autres n’existait pas » (repris dans Religions en dialogue, 2002).

Pour les chrétiens, les religions témoignent de l’effort que font les hommes pour exprimer en société leur expérience de Dieu et de l’Absolu; cela offre matière à des formes de dialogue qui aide les croyants à vivre ensemble et à partager, dans le respect mutuel, le meilleur de ce qui les habite. Il ne s’agit pas en effet de trouver une entente ou un accord en une sorte de syncrétisme, mais d’éliminer progressivement les idées fausses sur l’autre, apprendre à le connaître, faire disparaître l’ignorance de laquelle naît la peur. Un tel respect de l’autre, de l’altérité, est une condition de la paix.

Par ailleurs dans ce mouvement de rencontre chacun apprend à mieux entrer dans la connaissance de sa foi ; apprendre à dire sa foi à d’autres qui n’ont pas les mêmes références, la même histoire, les mêmes mots, oblige chacun à un effort de clarté et de maitrise, à un discernement de l’essentiel et de l’accessoire. Les expériences de dialogue aident les chrétiens à approfondir leur foi en un Dieu qui est lui-même relation.

Dès lors, dans un monde de contact mondialisé, les chrétiens – qui ont toujours besoin d’approfondir leur connaissance et leur enracinement dans leur foi- trouvent dans le dialogue interreligieux une occasion de mieux goûter et révéler la saveur de l’Evangile. Dès lors aussi, dans un monde de fractures et de rejet, dans une société suspicieuse et repliée, les chrétiens – qui se sentent porteurs d’une exigence de fraternité et d’accueil – trouvent dans le dialogue interreligieux une occasion de rendre témoignage de l’efficacité concrète de leur foi.

Tiédeur de l’oecuménisme ?

Or ces mêmes raisons – environnement social et approfondissement de la foi – qui fondent l’attrait aujourd’hui du dialogue interreligieux semblent pointer en même temps les causes de la tiédeur oecuménique.

Le dialogue oecuménique suppose une foi chrétienne profondément vécue. Une personne dont la vie spirituelle est une vraie relation avec le Christ ne peut pas ne pas souffrir du fait que les chrétiens ne sont pas complètement unis. La division « est pour le monde un objet de scandale et fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Evangile », écrit le Concile Vatican II ; pour combien de chrétiens cette division est-elle vraiment un « scandale » ? L’affaissement de la foi entraîne inéluctablement une chute de l’intérêt pour l’oecuménisme, tout comme la tentation de vivre sa foi simplement comme une recherche de repères sécurisants ou le renforcement d’une identité fragilisée. Il nous faut sans cesse trouver dans la foi au Christ le courage de reconnaître notre lâcheté devant son exigence « Qu’ils soient uns » et celui de travailler à cette unité.

Quant à nos sociétés, elles perçoivent mal et comprennent peu les différences confessionnelles; ou plutôt leurs urgences sont ailleurs. Dans un contexte de re-tissage des liens sociaux, on retrouve la place et l’importance du fait religieux et des religions. La recherche spirituelle, longtemps marginalisée sinon dénigrée du fait qu’elle se développait dans une institution religieuse, a progressivement été reconnue comme un élément du développement humain; mais on restait à un niveau strictement personnel. Les bouleversements sociaux, l’intégration des musulmans, ont obligé à prendre en compte l’aspect social de la religion et de la spiritualité. Les attentats terroristes ont montré une société divisée, toujours prête, dans la peur, aux pires crispations : l’urgence de la tâche sociale conduit à intégrer le dynamisme de solidarité et de fraternité humaine présent dans les religions. Le fait que se construisent entre des croyants de diverses religions des relations pacifiques est un premier élément de vie sociale apaisée et un ferment possible, parmi d’autres, de cohésion globale; de ce point de vue, peu importent les contenus de foi. On peut comprendre dans ce contexte que le dialogue oecuménique n’apparaisse pas comme un impératif pressant.

 

Le dialogue interreligieux se révèle aujourd’hui comme une urgence sociale et politique; le dialogue oecuménique, comme une exigence religieuse. Mais il serait vain de les hiérarchiser. Historiquement, l’attitude oecuménique a donné l’impulsion au dialogue interreligieux, et le Concile y voit « un présage d’unité et de paix pour le ponde entier » (Gaudium et spes . 92,3). Aujourd’hui le dialogue interreligieux peut rejaillir sur le dialogue oecuménique ; cette expérience « peut conduire les chrétiens à relativiser certaines de leurs divisions; elle peut aussi les provoquer à un nouvel approfondissement de la foi qui leur est commune » (Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux. 2008).

Une occasion de renouveau oecuménique

En cette année 2017, les chrétiens catholiques et luthériens célèbreront ensemble le 500° anniversaire des débuts de la Réforme : un texte officiel, » Du conflit à la communion » a lancé et fondé cet événement dont le coup d’envoi a été donné par le pape François et le pasteur Martin Junge à Lund en Suède en octobre dernier. C’est en effet le 31 octobre 1517 que Martin Luther exprima dans la ville de Wittenberg son opposition aux pratiques de l’Eglise et cette date est entrée dans l’histoire comme inaugurant la Réforme.

Commémorer ensemble cet anniversaire, ce n’est pas célébrer un homme, une époque, une confession. C’est l’occasion de relever deux défis : la purification des mémoires et la restauration de l’unité. Au cours des temps, historiens et théologiens ont affiné leur perception des événements, des circonstances, des personnalités tout autant que celle des intentions et des affirmations ; mais les chrétiens ne se sont qu’insuffisamment imprégnés de ces modifications. Il nous faut part exemple apprendre à reconnaître en Luther un « témoin de l’Evangile« , animé, comme le soulignait Benoît XVI par « la question de Dieu, qui fut la passion profonde et le ressort de sa vie »; il nous faut mieux connaître les convergences théologiques qui permettent de tourner le dos à un passé de conflit.

Cette année pourrait être l’occasion pour chacun de décider de mieux connaître l’historie et la foi des autres ; non pas pour la curiosité ou la culture mais pour redécouvrir ensemble la puissance de l’Evangile en se mettant au service du monde.

Prier pour l’unité

« Nous réconcilier, l’amour du Christ nous y presse », tel est le thème de la semaine de prière pour l’unité. Le passage biblique choisi dans la deuxième lettre aux Corinthiens ( 2 Cor 5,14-20) souligne que la réconciliation est un don de Dieu pour l’ensemble de la création. A l’occasion des célébrations oecuméniques qui auront lieu à Ajaccio, Bastia et ailleurs, à l’occasion des prières dominicales ou en cours de semaine, nous aurons à coeur de méditer les paroles du pape François : »je veux me rapprocher davantage de mes frères et soeurs ; la proximité fait du bien à tout le monde, au contraire la distance rend malade ».

 

Par le père Joseph Fini.

 

 

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